La fin de l’euro serait-elle vraiment un scénario inédit ? Entre 1979 et 1992, un système monétaire avait déjà été mis en place entre les principaux pays européens (Allemagne, France, Angleterre) pour lier leurs monnaies.
Le Système Monétaire Européen (SME) a pris fin suites aux attaques du hedge fund de Georges Soros sur le marché des changes.
En prenant des positions baissières de plusieurs milliards contre la livre sterling, Georges Soros a forcé la Banque d’Angleterre a sortir du Système Monétaire Européen ce qui lui a valu le surnom de « l’homme qui a fait sauter la Banque d’Angleterre ».
Comment Georges Soros a réussi a faire couler la livre sterling et le Système Monétaire Européen, ancêtre de l’euro ? a engendrer des milliards de plus-value ? un tel scénario peut-il se reproduire avec l’euro ? c’est ce que nous allons étudier dans cet article.
Le Système Monétaire Européen (SME)
En 1992, l’euro n’existait pas encore mais il y avait le Système Monétaire Européen (SME) qui permettait de stabiliser le taux de change des différentes monnaies européennes à travers l’ECU (European Currency Unit), un panier de devises européennes.
Chaque jour les banques centrales des pays du SME intervenaient sur le marché des changes pour limiter les marges de fluctuations à un seuil maximum de 2,25 %. Les différentes monnaies du SME (franc, mark, livre etc.) étaient donc liées entre elles avec des taux quasi fixes.
Le Système Monétaire eu les mêmes faiblesses que l’euro actuellement. Les pays du SME n’étaient pas tous dans la même situation économique. L’Angleterre, entre autre, vivait une crise économique avec une inflation de quasiment 8 % et la livre sterling car celle-ci était bien trop forte pour l’économie du pays. L’Angleterre n’avait pas la possibilité de dévaluer le livre sterling car celle-ci était liée aux autres monnaies du Système Monétaire Européen par son taux de change.
L’attaque de Georges Soros sur la livre sterling
Voyant que la situation de l’Angleterre était intenable, Georges Soros estimait que la seule solution possible pour l’Angleterre était de sortir du Système Monétaire Européen, ce qui entrainerait une chute de la livre (pound sterling) et la dévaluation nécessaire à l’économie anglais. Georges Soros investi en masse à travers son fonds d’investissements sur la chute prochaine de la livre sterling.
Le hedge fund Global Macro crée par Georges Soros, Quantum fait un emprunt de 15 milliards de dollars en échange d’une caution de garantie de 1 milliard, ce qui fait un effet levier de 15. Il réussi également à convaincre d’autres hedge funds et banques d’investissements (Bank of America, JP Morgan etc.) que la livre s’effondrera et les encourage à vendre.
Le 16 septembre 1992, Georges Soros pris des positions vendeuses (short) sur la livre sterling atteignant 10 milliards de livres. Les ventes de Georges Soros provoquèrent (par leur taille) une chute importante de la livre sterling.
Dans un premiers temps la Banque d’Angleterre a utilisé ses liquidités pour limiter la baisse de la livre sterling par rapport au franc et au mark allemand en faisant des achats sur le marché des devises. Malgré cette intervention la livre sterling perd plus de 15 % en quelques heures. La Banque d’Angleterre ne pouvant plus résister à la chute de la livre sur le marché des changes, elle du se résigner à sortir du Système Monétaire Européen le soir même, entrainant ainsi une forte baisse de la livre sterling et une plus-value de 1 millard pour Georges Soros. Cette journée du 16 septembre 1992 où Georges Soros a coulé la banque d’Angleterre et la livre est le « Black Wednesday ».
Ce cas montre la puissance de certaines hedge funds puisque le fonds spéculatif dirigé par Georges Soros a joué un rôle actif dans la chute de la livre sterling et a obligé la banque d’Angleterre à sortir du SME car elle n’avait pas l’argent nécessaire pour lutter contre le hedge fund Quantum. Cela valu à Georges Soros d’être surnommée : « L’homme qui a fait sauter la Banque d’Angleterre » (The Man who broke the Bank of England).
Georges Soros retenta une attaque similaire sur le franc durant l’été 1993, obligeant la Banque de France à vider ses réserves et la Bundesbank (Banque d’Allemagne) a intervenir pour soutenir également le franc. L’attaque de Soros fut parée mais cela signa tout de même la fin du Système Monétaire Européen (SME). Cette sensibilité aux attaques spéculatives est une des raisons qui ont poussé à créer l’euro car il n’oblige pas les banques nationales à intervenir en vidant leurs réserves monétaires.
L’euro nous protège-t-il ?
Les hedge funds ne peuvent plus vendre une monnaie européenne contre une autre monnaie européenne puisqu’il n’y en a plus qu’une, l’euro. L’euro est une grande avancée de ce point de vue là.
La nouvelle « faille » du système c’est les dettes souveraines qui ne sont pas unifiées et les CDS (Credit Default Swap) qui permettent de miser sur la faillite d’un pays. Ils restent donc des moyens pour les hedge funds d’asphyxier l’économie d’un pays et le forcer à sortir de l’Europe pour dévaluer sa monnaie mais les moyens nécessaires sont bien plus importants que du temps du Système Monétaire Européen et la BCE a les moyens (mais pas toujours le droit) d’intervenir pour contrer les attaques spéculatives.
Une attaque spéculative similaire sur l’euro est-elle possible ?
Actuellement, une stratégie spéculative de grande ampleur pourrait être :
1) Acheter en masses des CDS (Credit Default Swap) sur un pays de la Zone Euro en difficulté. Le taux du CDS représentant la probabilité de faillite du pays selon le marché, la hausse de ce taux entrainée par les achats massifs enverrait un signal fort aux investisseurs qui auraient de plus en plus de craintes à prêter au pays en question. Les nouvelles émissions obligataires de ce pays se ferait donc à un taux plus important et couterait plus cher au pays.
2) Vendre en grande quantité les obligations du pays en question sur le marché secondaire, ce qui aurait pour conséquence de faire chuter la valeur des obligations, renforcerai les craintes des investisseurs et rendrai encore plus compliqué les nouveaux emprunts.
Le pays attaqué ne pourrait donc plus emprunter qu’a des taux prohibitifs.
3) L’économie du pays serait paralysée et la dévaluation serait impossible puisque l’euro est la monnaie unique.
Le pays aurait alors 3 solutions :
- soit adopter des plans de rigueurs pour limiter drastiquement ses dépenses (comme il ne peut quasiment plus emprunter, il doit redonner confiance aux investisseurs).
- soit sortir de l’euro pour pouvoir dévaluer sa monnaie. Cependant, la dette du pays étant libellé en grande partie en euros, cette solution serait très couteuse.
- L’Europe et la Banque Centrale Européenne (BCE) aurait également la possibilité de « financer » la dette du pays en l’aidant à emprunter mais cette solution serait également très couteuse, surtout si l’économie du pays en question n’est pas viable à moyen et long terme.
Comment gagner de l’argent avec cette crise ?
Le hedge fund aurait plusieurs solutions pour gagner de l’argent sur cette crise :
- la hausse des taux d’emprunt provoque un manque de financement qui peut paralyser l’économie du pays et réduire les chances de remboursement de la dette, ce qui provoque une nouvelle hausse des taux obligataires. C’est un cercle vicieux. Dans ce cas, la valeur des CDS augmenteraient et le hedge fund pourrait dégager des plus values dessus.
- le hedge fund pourrait spéculer sur la baisse de l’euro par rapport aux autres monnaies (dollar, yen, livre sterling). Pour cela, il faut qu’il ait la capacité d’ébranler l’ensemble de la zone euro.
- le hedge fund peut parier sur la sortie d’un pays de la zone euro et investir dans les actions d’entreprises internationales de ce même pays juste avant sa sortie. Après la sortie de la zone euro, la dévaluation de la nouvelle monnaie provoquera mécaniquement une hausse des actifs et l’impact pourra être particulièrement important sur les sociétés exportatrices comme cela a été le cas en Argentine avec la dévaluation du peso.
Pour mettre en pratique un tel scénario les sommes en jeu seraient astronomiques (même avec l’effet levier), surtout si la BCE vient au secours du pays en difficulté. Des hedge funds et des banques d’investissements ont certainement dû jouer un tel scénario mais ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme le seul catalyser de la crise des dettes souveraines européennes.
Une chose est sûre, d’importantes plus-values ont été faites sur les CDS (Credit Default Swap) qui sont des assurances contre la faillite d’un pays utilisés comme des produits spéculatifs.